Nous sommes en 2013 : BDI lançait alors la toute première version de sa plateforme Craft. A l’origine, ce projet visait à créer une base de données collaborative, recensant les compétences des acteurs publics ou privés par filière économique et industrielle — en Bretagne dans un premier temps. L’objectif : favoriser la combinaison de ces compétences pour faire émerger des projets innovants, impulsés par les structures d’accompagnement au développement économique, elles-mêmes contributrices de Craft. 

Bertrand Piechaczyk, Directeur du pôle ingénierie, revient sur la genèse de Craft : « L’innovation se crée souvent par croisement de compétences : un chantier naval, qui construit des structures flottantes, peut se rapprocher d’un fabricant d’éoliennes, pour concevoir ensemble des éoliennes flottantes. Au-delà de l’innovation en tant que telle, ce type de projets fait naître de nouvelles filières — ici, les énergies marines renouvelables. C’est pourquoi nous avons imaginé Craft, un outil collaboratif mis à disposition des structures de recherche et d’innovation. »  

Une poignée d’années plus tard, BDI constate le succès de sa plateforme, en Bretagne et au-delà. Aujourd’hui, Craft est utilisé par une vingtaine de régions françaises et européennes. Rien qu’en Bretagne, cet outil rassemble 80 partenaires (centres techniques, clusters, académiques…), et recense 9 000 entreprises, 700 laboratoires ou équipes de recherche. Craft est bien plus qu’une plateforme : c’est à la fois un réseau vivant et une boîte à outils permettant d’analyser et de visualiser les données mutualisées. 

En 2018, l’équipe de BDI aux manettes de Craft en est convaincue : la plateforme doit être complètement repensée et miser sur une technologie émergente — le web sémantique. Car Craft reposait jusqu’alors sur un modèle de base de données relationnelle, qui ne répondait pas aux nouveaux enjeux de cet outil, dont l’intérêt avait déjà dépassé les frontières bretonnes. 

Bertrand Piechaczyk se souvient : « Au bout de 5 ans de développement, il fallait faire évoluer notre plateforme, pour des raisons de sécurité, d’ergonomie et de fonctionnalités. Nous avions aussi pour ambition de nous rapprocher de la recherche en langage naturel, et de permettre à nos utilisateurs de découvrir des compétences dont ils n’avaient pas encore connaissance. » En d’autres termes de chercher (et trouver) sans savoir précisément quoi — la définition même de la sérendipité. Seule la configuration fine d’un moteur d’indexation couplée au langage RDF, que nous avions testé sous toutes ses coutures pour Datatourisme, pouvait répondre à ces besoins. 

Autres attentes exprimées par BDI : développer des widgets permettant la visualisation, le partage et la diffusion des données disponibles ; et accroître la performance de la plateforme, qui réunit près de 3 millions de données.

En 2020, nous remportons l’appel d’offres de BDI (🎉) et notre équipe de développeurs se retrousse les manches. Car il s’agit en premier lieu de refondre entièrement l’architecture et la modélisation des données de Craft, pour in fine basculer la plateforme en web sémantique. Pour autant, ce que nous écrivons ici en une dizaine de mots a nécessité presque autant de mois de recherche & développement, menés d’une main de maître par Blaise de Carné-Carnavalet et Serwan Cravic — ce dernier tiendra sans doute à gommer son nom de cet article, mais nous le savons : son travail a permis d’identifier des solutions techniques jusqu’alors inexplorées. Un résultat que nous partagerons d’ailleurs avec la communauté Open Source, comme nous le faisons toujours.

« La gestion des droits des utilisateurs a été un sujet particulièrement challengeant. Car chacun des 5 rôles attribuables donne accès à des informations différentes, à la modification ou non des champs dans les fiches mises à disposition », explique Bertrand Piechaczyk. Serwan Cravic complète : « Nous devions intégrer deux versions dans notre schéma de données : des champs génériques, utilisables quels que soient la communauté (= les territoires utilisateurs) ou le domaine d’intérêt (= la filière), et des champs spécifiques que chaque utilisateur peut créer et modifier. »  Une méthode de modélisation complexe pour éditer des fiches cohérentes les unes avec les autres, tout en permettant d’inclure si besoin de nouvelles données liées à des compétences spécifiques à une communauté. Nous avons aussi prévu que ces compétences spécifiques puissent devenir génériques lorsqu’une communauté souhaite l’ajouter dans ses propres fiches. En parallèle, une base associée établit un thésaurus de listes de champs à choix multiples. Le tout en garantissant la sécurité et la vélocité de la plateforme. Les doigts dans le nez ?

Presque. Forts de nos années d’expérimentation en interne, et des mois de R&D pour nos clients, nous avons conçu un schéma de données dit ontologique. Sous ce terme un poil pompeux se cache une technologie au potentiel énorme : l’ontologie permet d’attribuer plusieurs propriétés à un objet, et de représenter les liens sémantiques de chaque objet, parfois entre eux. C’est grâce à cette technologie que nous avons pu prévoir des ontologies génériques pour toutes les communautés, et spécifiques à certaines d’entre elles. 

Comme pour Datatourisme, Craft est une plateforme ontology driven, c’est-à-dire qu’elle s’adapte de façon autonome aux nouveaux schémas (ontologies) ; à la création ou à la modification de nouveaux champs. Pour autant, notre travail ne s’arrêtait pas là : il nous fallait indexer en temps réel chaque changement dans le schéma de données, ainsi que tous les objets, sous-objets ou bases associées. Un défi de taille pour la plateforme, qui se doit d’être performante dans tous les contextes d’utilisation — du contributeur au diffuseur, en passant par l’internaute face à une carte générée grâce à Craft. La solution : développer une brique sur-mesure, qui nous a demandé pas mal d’huile de coude et de jus de cerveau.

C’est l’une des innovations les plus palpables de Craft. Les utilisateurs peuvent ainsi effectuer des recherches pour découvrir de nouvelles compétences, et de nouveaux interlocuteurs à solliciter. Ici, l’ordre des mots compte, tout comme les opérateurs de recherche avancée (les fameux opérateurs booléens pour les initiés) pour une requête très précise : tel mot OU tel mot, SAUF tel mot, « exactement telle expression » avec les guillemets, etc.

Autre atout et non des moindres d’Elasticsearch : sa méthode d’indexation et de restitution des résultats de recherche. Le moteur ne se limite pas à afficher des résultats qui correspondent pile-poil à une requête, mais propose à ses utilisateurs de découvrir des concepts associés tout en lui permettant de les filtrer à partir de critères. À titre d’exemple, si vous découvrez sur Craft une propriété "agroalimentaire-végétal" sur la fiche d’un laboratoire, vous pourrez par la suite élargir votre recherche à tous les acteurs ayant renseigné cette même propriété. Et c’est ici que la sérendipité entre en scène, pour tisser des liens entre compétences connues, celles à repérer, à faire grandir et à créer. 

C’était l’un des enjeux clairement identifiés par BDI pour cette cinquième version de Craft : mettre à disposition des widgets et API configurables pour éditer et partager des cartes, des tableaux de bord dynamiques ou encore des annuaires — tous personnalisables, et multilingues. 

Pour mener à bien cette mission, nous avons collaboré avec Icilaba. Benjamin Lemarié, designer et co-fondateur de l’agence rennaise, souligne : « Nous étions en phase avec Conjecto : la donnée n’est qu’un moyen et pas une fin. Il nous fallait la rendre exploitable par les utilisateurs de la plateforme, simplement. »  Icilaba a donc peaufiné l’interface, son ergonomie et l’expérience utilisateur, pour faciliter la diffusion des données combinées et analysées à partir de Craft. 

Vous l’aurez compris, cette collaboration avec BDI réunit tous les ingrédients des projets que nous aimons : des challenges techniques, un contexte innovant, des partenaires à l’écoute. Parce qu’il en parle mieux que nous, laissons les derniers mots de ce cas client à Bertrand Piechaczyk — que nous remercions au passage pour son approche résolument ouverte et collaborative :  

« La rencontre avec Conjecto est une réussite. Leur équipe est non seulement pointue dans les missions pour lesquelles nous les avions interrogées, mais aussi proactive. Serwan Cravic n’a cessé de nous partager sa veille, et de nous projeter dans de futurs usages pour notre plateforme. Conjecto a su trouver des solutions techniques à des problèmes philosophiques. »  

Il conclut : « Serwan a pris le soin de s’immerger dans notre quotidien d’agence de développement économique. Il a compris notre métier et intégré ses enjeux, qu’il a infusés dans ses préconisations techniques. À tel point que nous pourrions l’embaucher demain. » Comblés nous sommes — même si nous tenons à garder Serwan avec nous :) Craft est un projet en évolution : s’il nous reste encore quelques “coups de tournevis” à effectuer ici ou là, nous savons que de nouvelles fonctionnalités sont déjà dans les cartons. La suite en 2022 !